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 Pourparlers Russie-États-Unis en Arabie saoudite : Moscou dévoile ses émissaires, Washington cherche encore son négociateur en chef

Russie-Usa : Allocution de Sergueï Lavrov à l'issue des négociations avec l'administration américaine

par Le Média en 4-4-2

Riyad a été le théâtre d'une rencontre inédite entre représentants russes et américains. Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a exprimé sa gratitude envers le prince héritier Mohammed ben Salmane pour son rôle dans l'organisation de ces discussions. Accompagné du conseiller du président russe, Iouri Ouchakov, il a abordé les relations bilatérales et l'importance de maintenir un dialogue constructif entre grandes puissances.

Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, à l'issue de ses négociations avec des représentants de l'administration américaine, Riyad, 18 février 2025

Je voudrais exprimer notre gratitude à l'Arabie saoudite pour avoir permis la tenue de la rencontre entre des représentants russes et américains. Nous avons exprimé cette gratitude personnellement au Prince héritier du Royaume, Mohammed ben Salmane, lorsque nous avons été reçus en audience avec le conseiller du président russe, Iouri Ouchakov.

Nous avons parlé pendant environ une heure de nos relations bilatérales et de l'importance d'assurer dans le monde, à défaut d'une entente globale (qui est impossible), au moins la volonté des grandes puissances de maintenir dans toute situation un dialogue normal et professionnel, d'essayer de s'écouter mutuellement, de tirer les leçons de ce qui se passe et d'éviter tout conflit et crise.

Cette position du Prince héritier Mohammed Ben Salmane a été réitérée lors de nos négociations avec la partie américaine. Le secrétaire d'État américain Marco Rubio a particulièrement souligné au début de la conversation l'importance fondamentale pour chaque pays d'être guidé par ses intérêts nationaux dans les relations internationales. Nous sommes entièrement d'accord avec cela. Comme avec le fait que ces intérêts nationaux ne coïncideront pas toujours. Mais, quand ils ne coïncident pas, il est très important de régler ces divergences, de ne pas les laisser «aller à la dérive» et encore moins de provoquer une confrontation militaire ou d'autre nature.

Quand les intérêts nationaux coïncident, il faut tout faire pour unir les efforts dans ces directions et réaliser des projets mutuellement bénéfiques dans la sphère géopolitique et dans les affaires économiques.

La conversation a été très utile. Nous ne nous sommes pas contentés d'écouter, mais nous nous sommes entendus mutuellement. J'ai des raisons de croire que la partie américaine comprend maintenant mieux notre position que nous avons exposée une fois de plus en détail, avec des exemples concrets, dans le cadre de nombreuses interventions du président russe Vladimir Poutine.

Concernant les accords conclus. Premièrement, et probablement le plus urgent et d'ailleurs pas le plus complexe, c'est d'assurer la nomination rapide des ambassadeurs de Russie aux États-Unis et des États-Unis en Russie. Ainsi que de lever les obstacles qui, pendant de nombreuses années, ont été érigés principalement par l'administration de Joe Biden au cours de ces quatre dernières années à l'encontre de nos missions diplomatiques, entravant sérieusement leur travail : les expulsions sans fin de nos diplomates, auxquelles nous avons été forcés de répondre, les problèmes persistants de la saisie de nos biens immobiliers et bien d'autres choses.

Un problème non des moindres concerne les transferts bancaires qu'ils tentent de restreindre pour nous. Nous répondons naturellement avec réciprocité. Nous avons convenu que nos adjoints se mettraient d'accord très prochainement sur une rencontre et examineraient la nécessité d'éliminer ces «barrières» artificielles dans le travail des ambassades et autres institutions russes aux États-Unis et américaines en Russie. De plus, ils essaieront de ne pas se concentrer sur une manifestation spécifique de ces «obstacles», mais tenteront d'adopter une approche systémique pour mettre fin une fois pour toutes à ces désagréments qui entravent réellement le développement des relations normales quotidiennes.

Deuxième accord. Nous avons convenu que dans un proche avenir, un processus de règlement ukrainien serait mis en place. La partie américaine communiquera qui représentera Washington dans le cadre de ce travail. Dès que nous connaîtrons le nom et le poste du représentant correspondant, comme le président russe Vladimir Poutine l'a dit au président américain Donald Trump, nous désignerons immédiatement notre participant à ce processus.

Troisièmement, sur un plan conceptuel plus large, au fur et à mesure des processus liés au règlement de la crise en Ukraine, créer parallèlement les conditions pour que notre coopération reprenne pleinement et s'étende à des domaines très variés.

Un grand intérêt a été manifesté (que nous partageons) pour la reprise des consultations sur les problèmes géopolitiques, y compris les différents conflits dans diverses parties du monde où les États-Unis et la Russie possèdent des intérêts.

Un vif intérêt a été exprimé pour lever les obstacles artificiels au développement d'une coopération économique mutuellement bénéfique. Le chef du Fonds russe d'investissement direct, Kirill Dmitriev, était présent lors de la discussion des aspects économiques de notre réunion d'aujourd'hui. Il a présenté certains problèmes qui pourraient être résolus assez rapidement au bénéfice tant de la Russie que des États-Unis.

Question : Différentes évaluations sont actuellement formulées, principalement positives. Elles viennent aussi du côté américain. Sur quelle voie a-t-on réussi à rapprocher le plus les positions avec les États-Unis, sur la voie russo-américaine ou ukrainienne ? A-t-on réussi à poser les bases d'une rencontre entre les présidents de Russie et des États-Unis ? Quelles sont les prochaines étapes ? Aurez-vous des réunions prochainement ? Le secrétaire d'État américain Marco Rubio a dit que des concessions seraient nécessaires de la part de tous sur le dossier ukrainien. Y a-t-il une compréhension de quelles concessions il s'agit ?

Sergueï Lavrov : Concernant les questions sur lesquelles nous avons réussi à parvenir à une entente. Cela ne signifie pas nécessairement un rapprochement des positions. J'en ai déjà parlé. Nous avons pratiquement convenu qu'il fallait résoudre une fois pour toutes le problème du fonctionnement de nos missions diplomatiques. Une volonté mutuelle a été exprimée de trouver des solutions concrètes sur les questions de notre dialogue sur les affaires internationales et les relations économiques.

Concernant le dossier ukrainien, j'ai mentionné l'accord selon lequel les Américains désigneront leur représentant. Nous répondrons réciproquement. Après cela, les consultations correspondantes commenceront. Elles auront un caractère régulier.

Nous nous sommes rencontrés sur décision des présidents de Russie et des États-Unis, qui sont convenus de travailler à la préparation d'un prochain sommet. À cette fin, les ministres des Affaires étrangères et les conseillers à la sécurité nationale ont été chargés de se rencontrer et d'examiner ce qui doit être élaboré avant que les présidents puissent commencer à convenir d'une date et d'un calendrier précis pour un sommet.

Question : Immédiatement après la fin de la réunion, beaucoup d'informations sont apparues, citant des sources proches du processus diplomatique, concernant un «plan en trois étapes» sur lequel la Russie se serait supposément mise d'accord avec les États-Unis concernant l'Ukraine. Est-ce vrai ?

Sergueï Lavrov : Concernant le «plan en trois points». Je n'ai pas vu cette information ni ces commentaires. Aujourd'hui, en parcourant les nouvelles, j'ai trouvé une référence à une déclaration du ministre des Affaires étrangères polonais Radoslaw Sikorski, qui racontait quelque part «dans les couloirs de Munich» qu'il avait rencontré le représentant américain Keith Kellogg. Il l'a informé d'un certain plan de règlement. Il n'était pas précisé s'il y avait trois points ou quatre. Mais Radoslaw Sikorski, commentant le plan, a dit qu'il ne pouvait pas révéler les détails. «Le plan est atypique, mais pourrait être très intéressant».

Aujourd'hui, j'ai demandé au secrétaire d'État américain Marco Rubio et à Mike Waltz ce que cela signifiait. Ils ont répondu que c'était une infox.

Question : Avant cette rencontre, les États-Unis ont envoyé un questionnaire à l'Union européenne, demandant ce que l'Europe pouvait proposer en termes de garanties de sécurité pour l'Ukraine. Il y a une question sur le déploiement d'un contingent sur le territoire ukrainien. Quelle est la position de Moscou à ce sujet ?

Sergueï Lavrov : Concernant l'information selon laquelle les Américains ont posé une série de questions à l'Union européenne pour mieux comprendre ce que l'UE compte faire, et comment les Américains peuvent être utiles ou impliqués. J'en ai déjà parlé.

Mais j'ai également mentionné que la question du déploiement potentiel de forces de maintien de la paix armées, soi-disant après que le conflit sera déjà réglé ou qu'un accord sera atteint comme mentionné dans ce document, intéresse les Américains du point de vue des pays prêts à les fournir. Il est clair que la question s'adresse aux membres de l'Union européenne.

Nous avons expliqué à nos interlocuteurs d'aujourd'hui que nous avions bien noté que le président américain Donald Trump, dans plusieurs de ses discours, a été le premier parmi les dirigeants occidentaux à dire clairement que l'intégration de l'Ukraine dans l'Otan était l'une des principales causes de ce qui se passe, que c'est l'une des plus grandes erreurs de Joe Biden et de son administration, et que si Donald Trump était président, il n'aurait pas permis cela.

À cet égard, nous avons expliqué à nos collègues que le président russe Vladimir Poutine avait souligné à plusieurs reprises que l'élargissement de l'OTAN, l'absorption de l'Ukraine par l'Alliance nord-atlantique représentait une menace directe pour les intérêts de la Fédération de Russie et notre souveraineté. Et donc l'apparition de troupes des forces armées des mêmes pays de l'OTAN, mais sous un autre drapeau, sous le drapeau de l'Union européenne ou sous des drapeaux nationaux, ne change rien à cet égard. C'est inacceptable pour nous.

Question : À la veille des négociations, les forces armées ukrainiennes ont attaqué la station de pompage Kropotkinskaïa dans le Kouban. Elle achemine du pétrole appartenant notamment à des entreprises américaines et européennes. Est-ce une tentative de Vladimir Zelensky d'envoyer une «marque noire» à Donald Trump dans le contexte des contacts avec la Russie ?

Sergueï Lavrov : Concernant ce qui a motivé cette nouvelle l'attaque contre l'infrastructure énergétique cette fois du Kazakhstan. On peut avancer de nombreuses raisons, spéculer sur ce qui était à l'origine de cet ordre donné par quelqu'un à Kiev. Mais cela ne devrait que renforcer l'opinion de tous que cela ne peut pas continuer ainsi, que cette personne et toute son équipe doivent être raisonnées, «rappelées à l'ordre».

D'ailleurs, aujourd'hui nos collègues américains ont suggéré qu'il serait peut-être possible d'instaurer un moratoire sur les attaques contre les installations énergétiques. Nous avons expliqué que nous n'avions jamais mis en danger les systèmes d'approvisionnement énergétique de la population, et que nos cibles étaient uniquement les installations qui desservent directement les forces armées ukrainiennes.

Nous avons rappelé que dans le cadre des discussions sur une possible reprise de l'accord de la mer Noire, la protection des installations énergétiques avait été soulevée avec les médiateurs turcs. Nous avons exprimé notre volonté de discuter des modalités, mais ensuite Vladimir Zelensky lui-même y a renoncé.

Question : Les déclarations de certains pays de l'UE sur leur désir d'être à la table des négociations ne sont-elles pas liées à leurs autres déclarations sur leurs droits historiques sur les terres ukrainiennes ?

Sergueï Lavrov : Je ne sais pas. Mais de telles discussions ont lieu. Des politiciens en Roumanie en ont parlé tout récemment. Je ne vais pas spéculer.

Question : Vladimir Zelensky a déclaré hier encore qu'il ne reconnaîtrait pas les résultats des négociations entre les États-Unis et la Russie. Dans quelle mesure, selon vous, la participation de Vladimir Zelensky lui-même aux négociations est-elle importante pour parvenir à la paix ? Peut-il espérer participer à ce processus ?

Sergueï Lavrov : Il n'est pas nécessaire d'entrer dans les détails ici, car ce sujet a été couvert de manière très détaillée par le président russe Vladimir Poutine dans sa récente interview avec Pavel Zaroubine. Je n'ai rien à ajouter.

Question : Pour beaucoup, il est évident que des tentatives sont faites pour torpiller l'établissement et la reprise des relations entre la Russie et les États-Unis. Que doit faire la Russie pour empêcher ces tentatives de torpillage, pour protéger le processus ? Aujourd'hui, après quatre heures et demie en tête-à-tête avec les Américains, pensez-vous que leur volonté de rétablir les relations avec la Russie est ferme ?

Sergueï Lavrov : Pour empêcher le torpillage de l'établissement des relations entre la Russie et les États-Unis, il faut les établir. C'est ce que nous faisions aujourd'hui. Je dirai franchement, non sans succès.

Nous n'avons pas discuté de tout ce qui nous sépare encore. Mais l'approche conceptuelle du travail à venir a été déterminée par les présidents lors de leur conversation téléphonique.

Nous avons ressenti une détermination totale, une disposition concrète de nos collègues américains à promouvoir activement ce mouvement en avant, conformément à la directive des présidents. Et nous allons aussi nous en occuper.

source :  Le Média en 4-4-2

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